Trente-neuf planches-contact. Tirages gélatino-bromure d’argent.
Je me suis auto-confiné dès le 16 mars 2020.
Pour restituer l’angoisse généralisée à l’échelle d’une population, j’ai décidé de reconstituer métaphoriquement, jour après jour, les immeubles où nous étions confinés, en photographiant les étages du mien.
Que se passe-t-il derrière ces portes ? Pourquoi l’ambiance s’alourdit-elle au fur et à mesure des étages et du temps qui passe ? L’accumulation et la répétition du même motif (à la manière d’un virus), avec de légères variations, renvoient à une routine oppressante dont on ne connait pas l’issue.
J’ai utilisé un appareil demi-format en plastique que j’avais déjà dû réparer une fois, un flash plus âgé que moi (je suis né en 1987) et des pellicules : quelques négatives et des positives noir et blanc, des Kodachromes et des inversibles couleur. J’ai ensuite développé le tout dans ma salle de bain, en négatif pour le tirage noir et blanc. Je diluais le révélateur autant que possible afin de rationner mes ressources. Une pellicule me permettait deux jours de travail.
L’emploi d’un matériel et de consommables obsolètes s’est révélé un choix pertinent. En effet, plus le temps passait, plus la situation empirait, plus l’absence de gestion se faisait claire, plus le matériel se désagrégeait et moins le sujet de chaque photographie devenait identifiable. Jusqu’à ce que l’appareil, poussé au bout de ses possibilités, rende l’âme au 39e jour de confinement.
Seul reste le souvenir de l’immeuble, comme une coquille vide.